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Le Bhairava Stotram d'Abhinavagupta est un hymne dévotionnel significatif dans la tradition du shivaïsme du Cachemire. Composé par le maître spirituel et philosophe Abhinavagupta, ce texte est récité pour invoquer et adorer Bhairava, une forme terrifiante de Śiva. Selon la légende, Abhinavagupta aurait composé cet hymne peu avant de disparaître mystérieusement dans une grotte sacrée connue sous le nom de Bhairava-guhā, accompagné de ses disciples.
L'hymne est composé de dix versets (ou padas) qui expriment la dévotion d'Abhinavagupta à Bhairava et soulignent la transformation intérieure apportée par cette dévotion. L'hymne est considéré comme ayant le pouvoir de dissiper les souffrances et les afflictions de la vie terrestre par la grâce de Bhairava.
Traduction
Verset 1
Gloire au Śrī Cid–Bhairava, Seigneur des sans-seigneurs (anātha–nāthaḥ), sans affliction (nirāmayaḥ), qui est tout l’univers (viśva–mayaḥ), apaisé (praśāntaḥ). J’honore (namāmi) ce Suprême Seigneur (param–īśvaram), essence de l’espace (vyoma–ātmakaṃ), omniprésent (sarva–gam), unique (ekam), originel (ādyam).
Verset 2
En toi seul (tvayy eva) réside tout cet univers lumineux (sarvam idam asti jagat–prakāśam). Ô Créateur (vidhātaḥ), toi, mon Soi intérieur (me ’ntar–ātmā), dissipe (hara) la douleur et la peur (śoka–bhayam). Toi, mon Guru (tvaṃ me guruḥ), libre de toute règle et distinction (niyama–bheda–vinirmuktaḥ), fais que ma dévotion envers toi (tvad–bhaktim eva) soit toujours donnée (satatam mama dīyamānām).
Verset 3
Par ta puissance de grâce (anugraha–śaktyā), tout cet univers (jagad idam akhilam) brille aujourd’hui (bhāti me ’dya), demeurant en toi (tvayi stham). Ô Toi, mon Soi suprême (paramātman), habitant intérieur (antaryāmin nityam hṛdi mama), tu es le Tout (sarvam asi), car tout est toi (tvaṃ hi sarvam)
Verset 4
En toi seul, ô Seigneur (eśa), tout cet univers (viśvam idam) est établi ; il n’existe en vérité aucune peur (bhayaṃ na kiñcit), même issue du lien karmique (karmānubandha–janitam). Ô Maître du monde (loka–nāyaka), puisse en mon cœur (hṛd–antar) demeurer fermement (dṛḍhaṃ niṣṭham) ton pouvoir constant (sadaiva) de dissiper toute forme de peur (bhaya–rūpa–vināśakam)
Verset 5
Ne t’irrite pas contre moi (mā māṃ ruṣe), ô puissance redoutable (nṛśaṃsa–śakte), ô Bhairava, Seigneur de la mort (mṛtyuṃ vinā bhairava). Considère-moi comme ton protégé (mām anātha bhāvaya). Ô Dieu des dieux (deva–deva), rends ma dévotion envers toi toujours plus ferme (bhaktiṃ mayi sthirataraṃ kuru), car tu es, toi seul (tvaṃ hy eka eva), la cause du monde entier (jagatām asi kāraṇam naḥ).
Verset 6
Par ta grâce (anugraheṇa tava), ô Seigneur (prabho), tu répands (vitarati) la grande lumière (jyotsnām) qui dissipe l’immense ténèbre de l’illusion (mohāndha–kāra–mahatīm). Par le simple souvenir de toi (tava smaraṇena), il n’existe pour nous aucune peur (no bhayam asti hi) des liens tissés par les fantômes du karma (karmārjita–bhūta–piśāca–pāśān).
Verset 7
Lorsque se lève la connaissance (jñānodayena), la réalité des choses (vastu–sattvam) resplendit clairement (bhāti sphuṭam) dans ta lumière de Bhairava (bhava–tejasi), ô Seigneur (nātha), sans aucun doute subsistant (vigata–saṃśayam). Car tu es la cause (tvaṃ hi eva kāraṇam asi) de la stabilité, de la création et de la résorption (sthiti–sarga–saṃhāram); en moi, ô Dieu (deva), tu es le Soi suprême (parātma–rūpaḥ).
Verset 8
Si, en ce corps (asmin deha–bhṛt–su api), surgit (jāyate) la chaîne amère des souffrances (duḥkha–prabandha–viṣamam), emplie de tourments (paritāpa–yuktam), alors, en mon cœur (tasminn mama cetasi), s’élève (udeti) le flot de paix (śānti–dhārā), empli de l’essence de la non-dualité (advaita–bhāva–rasa–pūrita), se terminant en Bhairava lui-même (bhairava–antaḥ).
Verset 9
Les ablutions rituelles, les dons, les observances, les jeûnes des pleines lunes et les sacrifices (snānāni dāna–vrata–paurṇamāsy–upavāsa–yajñādikam) sont destinés à détruire la souffrance (asti duḥkha–nāśāya). Mais, par le courant du nectar (amṛta–dhārā) du goût méditatif de ton Nom (tvan–nāma–dhyāna–rasa), ô Seigneur Bhairava (bhairaveśa), la paix (śāntiḥ) s’écoule constamment dans notre cœur (pravahati satataṃ hṛdi).
Verset 10
Je danse en toi (nṛtyaty ahaṃ tvayi), je chante (gayāni ca), je me réjouis (harṣayāmi), ô Seigneur Bhairava (bhairaveśa). Mon esprit (cetas) ne médite que sur toi seul (tvām eva bhāvayati). Ayant obtenu (labdhvā) ta vision très rare (duralabhataraṃ tava darśanam), ô Seigneur (īśa), je m’abrite (āśrayāmi) en ton état primordial (ādya–padam).
Colophon
En ce jour de la nouvelle lune du mois de Pauṣa (pauṣa–amāvāsyāyām), cet hymne (stotram) a été composé (kṛtam) par le vénérable Abhinavagupta (śrīmad–abhinava–guptena).
Puise, par lui (etena), Bhairava (bhairavaḥ) apaiser rapidement (śīghraṃ praśamayatu) pour nous (naḥ) l’ardeur brûlante de la souffrance (duḥkha–dāham).
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